Je pensais vraiment me faire des ennemis en critiquant Bates Motel, mais que ce soit ici ou sur Facebook, personne n'a remis en question mon opinion sur cette série, parce que personne ne l'avait vue.
J'ai donc décidé, cette fois-ci, de vraiment bousculer mes lecteurs, en m'attaquant à une série qui fait fureur ces dernières années, surtout auprès de la critique car ses audiences assez faibles lui ont valu plusieurs menaces d'annulation. Mais, parce que la série est prestigieuse, tant par son sujet que son réalisateur, NBC nous achemine vers une saison 3 qui ravit tous les fans du show, et me laisse désespérément froide.
Je parle bien sûr de Hannibal, dont j'ai vu la première saison sur Netflix.
Il est inutile de vous planter le personnage de Hannibal Lecter, mais étant donné qu'il n'est pas à proprement parler le héros de la série, je m'en vais la pitcher tout de même.
Will Graham est prof en criminologie à Quantico, la base de formation du FBI, pour lequel il travaille aussi comme consultant. En effet, celui-ci a la mystérieuse capacité, lorsqu'il voit une scène de crime, de se mettre tant et si bien dans la peau du tueur, qu'il reconstitue parfaitement le meurtre dans son esprit et parvient sans peine à profiler son auteur.
Mais son empathie démesurée n'est pas franchement très bonne pour sa santé mentale. Aussi, son boss le fait suivre par un psychiatre chargé de surveiller l'état psychologique de Will. Et ce psychiatre, je vous le donne en mille, c'est Hannibal Lecter, qui a tôt fait de vouloir faire de Will son meilleur copain, car il voit en celui-ci une personne capable de le comprendre, et peut-être, qui sait ? de devenir comme lui, un enculé de psychopathe.
Je n'ai pas pu écrire ce pitch autrement qu'en y mettant de l'humour, parce que la série n'a pas du tout rencontré mon adhésion pour de nombreuses raisons.
Alors oui, la photographie est jolie, merci Bryan Fuller, showrunner qui avait déjà fait des merveilles à ce niveau-là sur ses précédentes œuvres. C'est bien parce que j'aime ce mec que j'ai décidé de regarder cette série qui, a priori, n'était pas du tout faite pour moi, car je déteste les histoires de tueurs en série, de psychopathes et autres connards qui sont les héros des temps modernes alors que le monde part déjà suffisamment en sucette pour qu'on y vénère des êtres maléfiques.
Je suis passée outre ces considérations, et j'ai tenté le coup, ayant envie d'arrêter entre chaque épisode, voire au milieu de chaque épisode, mais allant jusqu'au bout de la saison par pur esprit journalistique masochisme.
Parce que c'est un peu ridicule, tout ça. Ces meurtres hyper esthétisés, stylisés à l'extrême, aux motivations parfaitement conscientes et pragmatiques, excessivement gores par complaisance et volonté évidente de choquer par la beauté de l'horreur... c'est tout à fait à l'opposé de la réalité des meurtres en série.
Entre le mec qui fertilise des corps humains enterrés vivants pour faire pousser des champignons, ou celui qui met à nue les cordes vocales de ses victimes pour jouer de la musique en les frottant avec un archet, on navigue dans le plus pur grotesque, et il est impossible de croire une seule seconde à la véracité de ces histoires. Tout est trop propre, trop conscientisé, il n'y a aucune place pour la folie, la pulsion. Ici les tueurs sont tous de grands artistes incompris, en phase avec leurs instincts parfaitement maîtrisés.
Le seul personnage qui ne se maîtrise pas, finalement, c'est Will Graham, dont les mimiques faciales ininterrompues montre bien à quel point il porte toute la misère du monde sur ses épaules d'autiste Asperger (la grande mode de ces dernières années). Petit à petit, dérouté par ses séances de psychanalyse absurdes avec le bon docteur, il fait ou croit faire n'importe quoi, et les scènes d'hallucination hyper esthétiques et symboliques se succèdent les unes aux autres pour faire croire à une série hautement psychologique.
Or, la palme du risible revient bel et bien aux relations entre les personnages, qui n'ont aucune logique. Le boss de Will s'inquiète pour ce dernier, mais le pousse à bout pendant toute la saison. La psy de Lecter le soupçonne très visiblement d'être un peu foufou sur les bords, mais le défend (on me dit dans l'oreillette de regarder la saison 2, mais j'ai autre chose à foutre). La journaliste d'investigation, personnage le plus niais et mal écrit de sa génération, assiste à une éviscération sans sourciller, mais continue d'accuser Will d'être barge. Le pire, c'est "l'adoption" par Lecter et Graham d'une gamine dont ils ont tué le père meurtrier. Cette trinité de personnages repousse les limites du grand n'importe quoi, mais il serait spoiler que d'en dévoiler davantage, et je suis certaine que vous mourez d'envie de regarder la série donc je n'en dirai pas plus. Et j'ai perdu trop de temps à parler de cette série alors qu'il faut absolument que j'écrive sur The Killing qui est hautement géniale (teasing de fou).
Bref, je passe mon chemin, après une saison regardée entre soupirs d'exaspération et rires nerveux devant les problèmes d'écriture manifestes de l'ensemble. Comme pour Bates Motel, il n'y avait pas matière à pondre une série en plusieurs saisons sur la rencontre entre Graham et Lecter. Mais NBC a voulu le faire, et a appelé pour cela des scénaristes adolescents avides de tripes et de trips, maîtrisant suffisamment les ressorts du soap pour créer des intrigues secondaires sans intérêt (mensonges, quiproquo, relations amoureuses, flashbacks, etc).
N'est pas Les Soprano qui veut. On n'écrit pas une série psychologique avec un carnet à dessins. Dans Hannibal, l'esthétique est la seule qualité qui sauve les meubles, mais c'est aussi l'aspect qui ruine la crédibilité de l'ensemble. Un gâchis.
Et maintenant, défoulez-vous !