Lorsqu'on m'a dit que le lead designer de Morrowind, le jeu béni des dieux, avait été éjecté du projet Skyrim (sans doute à cause de son lamentable échec sur Oblivion *troll*), j'ai souffert pour le bonhomme. Puis on m'a dit qu'il bossait sur une nouvelle licence. Alors j'ai précommandé sans me poser de question. Et j'ai reçu Les Royaumes d'Amalur : Reckoning.
Bien sûr, on notera immédiatement l'absurdité crasse de la traduction française du titre de ce RPG... Mbref. En regardant un trailer, on sera aussi quelque peu étonné de retrouver le gonze de Morrowind dans un jeu aux graphismes cartoonesques et chatoyants, alors qu'il nous a habitué à du réalisme bien sérieux. Et là, on sera tenté de comparer le jeu à Fable.
Après une quinzaine d'heures de jeu très dense, me voilà en mesure de parler plus précisément du bébé, même si je serais bien incapable de vous déflorer le scénario principal : en effet, je n'y ai guère touché plus que pendant le tutorial.
Reckoning est en effet un jeu dont l'immensité se fait rapidement sentir, malgré une map qui n'a rien d'exceptionnellement vaste à première vue. Celle-ci est pourtant copieusement remplie, et les quêtes secondaires ne manquent pas. En 14 heures de jeu, j'avais torché Fable à 100%. En 15 heures de jeu, j'ai visité seulement 3 des 30 zones de Reckoning et fait tant de quêtes secondaires que j'en ai complètement oublié le fil initial de l'histoire.
Les graphismes cartoonesques, qui peuvent sembler très laids d'un premier abord pour qui n'aime pas ce style (et c'est mon cas), se révèlent finalement efficaces et parfois même plutôt enchanteurs. Les couleurs et lumières utilisées renforcent la poésie puissante du jeu, dont l'univers très travaillé se pare de quelque originalité, tout en utilisant à bon escient les codes de l'héroïc-fantasy. Les textures sont toutefois peu ragoutantes, sans doute pour suivre la mode initiée par Skyrim *même pas troll*.
Reckoning avait été largement présenté, avant sa sortie, comme un jeu donnant la part belle à un gameplay très dynamique : ce n'était pas un mensonge. Les combats, en temps réel évidemment, sont nerveux et bourrins (pour qui choisit, comme moi, de jouer un gros guerrier bas du front) et recèlent de nombreuses animations et autres QTE discrets. Le système d'évolution du personnage n'est guère compliqué mais aussi hélas peu intéressant, et encore moins customisable à l'envi. La simplicité de celui-ci et le dynamisme des corps à corps sont en vérité les seuls points qui rapprochent le jeu d'un Fable.
Dans tout le reste, le jeu est un pot pourri de nombreuses bonnes idées piochées de ci de là : le système de forge ressemble à s'y méprendre à celui de Guild Wars, divers autres craftings bien connus sont d'ailleurs aussi disponibles (alchimie, gemmes...), les trois grandes orientations de gameplay sont aussi "subtilement" énoncées que dans un Skyrim (Puissance, Sorcellerie, Finesse), quant aux arbres de compétences, ils rappellent vaguement... des tonnes de jeu. Qu'à cela ne tienne, l'ensemble est cohérent et l'on ne s'ennuie jamais.
Quant à l'univers sonore du titre, il est tout simplement splendide. Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu d'aussi belles musiques, et utilisées de façon aussi intelligentes : les mélodies ne s'enchaînent pas sans discontinuer, jusqu'à saouler le joueur. Des pauses plus ou moins longues les séparent, permettant une plus grande immersion grâce aux bruissements des forêts ou au clapotement des eaux mises en valeur par le silence de l'orchestre. On avait déjà vu ça ailleurs (Mass Effect) mais ici, c'est bien mieux utilisé, notamment pendant les scènes de dialogues. J'espère que ce système inspirera d'autres jeux !
Ceux-ci feront d'ailleurs aussi bien de s'inspirer de la qualité du doublage français de Reckoning. Certes, il compte en tout et pour tout une dizaine de comédiens, mais le directeur de plateau a bien dirigé tout ce beau monde, et le résultat est impeccable de cohérence.
Je ne viens pourtant pas de décrire le jeu parfait (ah, si seulement !). Reckoning est bel et bien un excellent début de licence, mais manque cruellement d'un petit détail qui a de plus en plus d'importance dans le RPG occidental : l'humour ! Le ton du jeu est en effet très sérieux et souffre d'une absence de second degré qui nous fera préférer un chef d'œuvre du genre tel que The Witcher. De plus, on s'attend toujours davantage d'un jeu aux graphismes cartoonesques qu'il soit drôle et fun comme un Fable, où roter et draguer des gonzesses faisait partie intégrante de l'expérience de jeu. Dans Reckoning, l'humour potache est remplacé par la poésie, ce qui ne saura, malgré sa qualité, séduire autant de public qu'un bon gros pet bien foireux...
Quant à la quête principale, et bien... c'est elle qui me fera recommander ou non ce jeu au plus grand nombre, tout le reste étant plutôt positif sans être exceptionnel, et toutefois diablement addictif. D'ailleurs voyez, je retourne à Amalur. A plus tard !