Citation de: Milo le 09 Avril 2015 à 20:33:50
Pour la compréhension globale de l'histoire, c'est une série à revoir dans quelques années avec un bon databook sur les genoux, en ayant pris soin à l'avance de lire chaque fiche de personnages, ainsi que toutes les prochaines interventions de Trollmino dans les journaux.
On aura alors peut-être accès à un monde merveilleux.
Je me permets d'intervenir egalement, c'est moi qui ai traduit la seconde moitie de la serie pour Wakanim avec le sieur MSZ a la relecture. D'ailleurs encore une fois, ce fut un veritable honneur de travailler avec toi, et je renouvellerais l'experience avec le plus grand plaisir... m(_ _)m Sur autre chose que du Tomino XD Le sentiment sera reciproque, je pense.
J'avouerai que mon seul contact avec Tomino etait sur les premiers Gundams (les films de 0079, Zeta, et un petit peu de Turn A), et que je n'etais pas vraiment prepare. J'ai ete parachute sur le projet en cours de route "Bon, on a le 14 a rendre pour dans deux jours." -"...Mais, mais j'ai meme pas commence la serie !!". Pour ce que ca vaudra, je n'ai pas regarde les episodes 2 a 13 avant d'attaquer le 14... et je tiens a dire que je n'ai meme pas ete "si" largue que ca en prenant le TGV en marche, ce qui je pense honnetement est pour beaucoup du a l'absence d'avancement du plot, mais je n'ai juste jamais vu ca. Bon, apres, ca a beaucoup aide d'avoir Jun a la relecture et l'adaptatrice cote Wakanim qui eux, avaient forcement tout suivi, et pouvaient rectifier le tir.
Je remercie humblement Jun pour tous ses precieux conseils et sa connaissance encyclopedique de la terminologie aerospatiale/militaire (je tentais autant que possible de ne commettre qu'une seule fois la meme faute ou alors carrement de marquer la ou je flairais un piege). Mais je ne m'essaierai pas de sitot a du Tomino en solo, surtout pas en simulcast.
Enfin, je dois preciser et insister sur le fait que le japonais employe dans Gundam Reconguista est particulierement abominable : normalement, il faut bien se rendre compte que les dialogues d'anime sont formattes de facon a ce que le texte japonais meme a l'ecrit permette d'inferer l'intonation avec laquelle ils sont prononces, et par la le contexte plus ou moins. La langue fonctionne beaucoup par triangulation et par association de situation-vocabulaire-intonation. Ce qui fait que si l'on a deux elements sur trois, il est raisonnablement facile d'inferer le troisieme. C'est d'autant plus facile que normalement un anime est compose de dialogues faits avec une diction irreprochable et des intonations non ambigues, faites pour etre comprises par le commun des mortels, meme si on ne capte que 70~80% avec une oreille distraite.
Le traducteur, malheureusement, ne peut pas se taper le luxe d'une comprehension a 70~80%, il faut partir a la chasse au moindre petit detail. Dieu merci, la concentration de detail sur une serie normale suit une courbe degressive au fur et a mesure que le monde se construit et qu'on s'y habitue, ce qui fait qu'on peut atteindre normalement un rythme de croisiere, et l'effort devient bien moins douloureux.
Le cas de Tomino fut une abomination (je me repete, oui) pour plusieurs raisons :
- le niveau de details insignifiants de l'univers qui peuvent certes servir a construire et etayer, ne diminue jamais. A aucun moment. On etait dans la crainte permanente du petit detail supplementaire mentionne "en passant" mais qui va tout nous pourrir par la suite. C'est particulierement eprouvant pour les nerfs. Un exemple : le coup de la bombe dans le G-Self, mentionnee une fois puis jamais utilisee. Serieusement ?
- les personnages ont ... un cablage emotionnel deficient ; soit on part dans l'insensible ("Mais pourquoi personne reagit, la ??"), soit on part dans le "gros jambon" (bon, ca va avec le territoire Gundam et combats de gros robots), et ca gene ENORMEMENT l'immersion ! Et donc la comprehension de ce qu'un personnage a voulu dire, ce qui conduit a des erreurs d'interpretation critiques parfois.
- objectivement parlant, l'univers EST interessant. Il y A des idees, mais c'est ... disperse. Si je devais me permettre une metaphore grossiere, on jurerait que Tomino a fume un gros petard et le sens est aussi disperse que la fumee et les cendres... Et notre travail se resumait plus ou moins a rassembler les cendres et reconstituer le petard pour que le spectateur francais puisse le fumer. Oui, il nous a litteralement fait faire un renversement d'entropie, et je pese mes mots.
- les dialogues sont abominablement mal ecrits :
1) en etant dans un referentiel japonais, on capte vaguement de loin ce que ca veut dire, et encore... mais on ne peut pas transposer ca tel quel en francais. C'est la que l'experience de Jun avec le dialecte Tomino fut une benediction. Prenons par exemples tous les combats de MS ou les personnages declament des one-liners tres courts et qui sont des demi-phrases.
2) je suis personellement tres vite arrive a la conclusion que Tomino ecrit ses dialogues comme pour du theatre ou l'aparte est un outil parfaitement acceptable, et ou donc l'information est lancee au spectateur et ignoree par le reste de l'assistance in-universe. Ca permet a un personnage fraichement arrive de declamer pourquoi il est la, qui il est, ce qu'il aime et ce qu'il aime pas. L'exemple qui me reste le plus vivement en memoire est le personnage de Gavan. (que j'aime beaucoup d'ailleurs XD)
3) le dialogue in-universe ne tient pas la route. Au niveau meta, il fournit MASSE d'informations au spectateur, et le noie sous une pluie de details qu'il n'a pas demandes et ne saura pas forcement reconcilier, mais in-universe, ca passe pour du non-sequitur pur et simple ("Mais d'ou ca sort cette replique ?!") ou du dialogue de sourds ("Je te demande A, pourquoi tu me reponds B ?!"). Et autant Tomino est libre de se livrer a... plus ou moins l'equivalent du dadaisme sur des dialogues, autant a la traduction, il faut quand meme tenter de faire un semblant de couture pour que ca se tienne.
4) normalement le script de doublage doit diviser les repliques proprement quand un personnage change d'interlocuteur ou de fil de reflexion en cours de route, avec une annotation qui indique ce qui se passe autour. Ici ? Que nenni ! Pour l'exercice de traduction avec le script papier seul, il fallait lire tout pave de texte avec suspicion et s'attendre a ce que en plein milieu le focus passe du coq a l'ane. Et le revisionnage avec la video est absolument obligatoire pour rectifier le tir. Parce que oui, en plein milieu d'une replique le personnage se met a regarder par la fenetre et voit un vaisseau voler et donc s'adresse a quelqu'un d'autre, mais ce n'est pas indique. Je ne veux meme pas savoir ce qu'ont du dire les seiyuu qui ont travaille dessus, si c'est ca le materiel qu'ils ont eu.
5) les neologismes pele-mele autour desquels il faut travailler (et pour la plupart j'ai meme verifie aupres de collegues japonais qui ont hesite pendant une vingtaine de minutes avant de commencer a comprendre de quoi il etait vraiment question niveau subtilites)
La traduction du monstre etait telle que chaque semaine je m'amenageais deux soirees pour faire ca moitie par moitie, pour eviter la rupture d'anevrisme. Les episodes sont bien plus denses niveau dialogues que l'episode d'une serie lambda, et surtout les dialogues condensent bien plus de sens et de subtilites (...ou d'aneries qu'il faut reformuler).
Ceci pour dire encore une fois : l'univers est interessant, il y avait des idees, mais on ne voit absolument pas ou il voulait en venir au final pour plus de la moitie des points de plot qu'il a balances par ci par la O_o; Et je doute qu'un simple databook suffise a eclaircir les problemes :/
Il faudrait presque un retelling entier dans un Super Robot Wars...